samedi 14 février 2009

9 - Le chapeau de l'abbé

L'abbé portait un grand chapeau, ce qui ne l'empêchait pas d'être un sacré paillard. Cela dit, il n'était guère buveur. Ni prêteur. Aussi tenait-il toujours solidement amarré à son front le précieux couvre-chef. Un jour il croisa dans la rue une créature toute de dentelles vêtue et de chair exposée, laquelle créature faisait également partie de ses ouailles. Afin de faire honneur à la femelle flatteusement parée, l'abbé crut bon d'ôter son chapeau. Il salua la passante d'un geste galant, élevant le plus haut possible son chapeau. Le vent l'emporta. L'homme d'Église exigea de la belle qu'elle rattrapât prestement l'objet fuyant.

La mondaine s'exécuta, cependant Éole fut le plus prompt, et après avoir fait faire quelques tours à sa poursuivante, finit par ravir définitivement son bien à son propriétaire. L'ecclésiastique fit porter la faute à la pécheresse la perte irréparable de son chapeau. En dédommagement il réclama de la coupable l'exclusivité de son hymen durant un mois, sous peine de répandre maintes calomnies sur ses moeurs. La malheureuse dut céder au chantage.

Comme l'abbé ne buvait pas, il exigea en outre de la fautive qu'elle lui cédât ses cigares, car la frêle victime en effet fumait d'énormes havanes ! Une insolence de plus que devait châtier scrupuleusement le prêtre-justicier. Ainsi l'abbé ne portait certes plus de chapeau sur la tête mais sortait avec un cigare aux lèvres, une dame du monde au bras. Le manège dura un mois, comme prévu. Une fois que la scélérate se fut affranchie de sa dette, l'abbé se fit offrir par elle un nouveau chapeau.

Il pouvait sortir seul à nouveau dans la rue avec sa chère acquisition, fier comme un coq de clocher. Chapeau qu'il n'avait pas volé après un mois d'abstinence chapelière, foi d'abbé !

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire