samedi 14 février 2009

6 - Petit poisson deviendra grand

Petit-Paul, enfant fragile, sensible et doux a été placé dès l'âge de six ans en pension dans une institution sévère. Élevé chez les bons prêtres. Ces derniers, austères, intransigeants, impitoyables, ont toujours exercé sur l'enfant une sainte terreur. Écrasé par le sort, broyé par les dogmes despotiques d'une religion d'un autre temps, à douze ans Petit -Paul est une créature chétive, timide, parfaitement timorée.

Figures maternelles réconfortantes, les rares bonnes soeurs oeuvrant au sein de cet univers rigide devaient adoucir l'existence de petit garçon. Du moins le pensa-t-il naïvement en entrant six ans auparavant, car à la vérité elle se montrèrent particulièrement cinglantes.

Bref, Petit Paul après six années d'éducation religieuse intensive dans cette digne institution a fini par prendre la couleur des murs qui l'entourent : gris. Ou plutôt terne. Sinistre serait le mot juste.

Pour autant, l'enfer n'est pas terminé pour notre jeune héros : il lui reste encore six années à expier dans cette prison pour âmes tendres.

Mais faisons plutôt un bond en avant de six années. Petit-Paul a atteint ses dix-huit ans, on le libère. Sa fragilité est devenue dureté, sa sensibilité imperméabilité, sa douceur fermeté. Petit Paul a bien changé... Il a pris de la carrure : épaules larges, mâchoire carrée, coeur d'acier.

Parfaitement conditionné par ses précepteurs, Petit-Paul fuit comme la peste les filles de son âge. Elles lui apparaissent comme des démones, aussi les hait-il de toute la force de son coeur brisé. La religion est devenue le seul repère de son existence de pierre. La solitude, l'unique refuge de son âme de glace. La tristesse, sa plus chère compagnie. Si bien qu'avant ses vingt-cinq ans, Petit-Paul entre dans les ordres et devient prêtre-enseignant dans l'institution qui l'a si bien dressé, et se montre aujourd'hui le pire tortionnaire d'enfants que cette dernière ait pu abriter entre ses murs.

Les petites victimes l'appellent maintenant "Grand-Paul".

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

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