samedi 14 février 2009

13 - Les saintes gens

Une espèce pie m'insupporte plus que toutes les autres : celles des vieilles âmes engoncées dans leurs moeurs sinistres. Saintes gens qui ont la Beauté en horreur, la poussière pour compagnie, qui chérissent la souffrance, la tristesse, la bêtise dogmatique ainsi que leur nombril de pieux asexués...

Ces modèles de vertu vivent dans une chasteté funèbre et morbide qui sied parfaitement à leur existence de renoncement hypocrite. Les apparences sont leur salut. Ces petits saints du quotidien vivent dans la pénombre par souci d'économie, dans la méchanceté gratuite par habitude, dans l'austérité par vanité. Leur visage émacié est celui d'un cadavre, leur lit ressemble à un caveau, leur joie consiste à contempler leurs chères, saintes, consacrées douleurs.

Ces bonnes âmes parlent de Dieu en serrant des dents, des enfants avec une badine dans la tête, de l'amour avec une flamme mauvaise dans l'oeil. L'amour, leur plus grand ennemi... Obsédés de sexe, pervers et dénaturés, ces adversaires du plaisir ne supportent pas la vérité. La moindre flèche les blesse, pour peu qu'elle soit juste, droite, nette.

Ces tristes sires en question portent soutane, baisent cérémonieusement croix de fer, bagues d'or d'évêques et pieds papaux, font des sermons moralisateurs le dimanche. Ils prônent la sobriété l'haleine chargée de vin de messe, vont voir les prostituées en discutant âprement leurs prix, confessent les petites filles dans leur chambre, distribuent aux pauvres bonnes paroles, aux nantis argent des quêtes.

Méchants petits abbés de province qui enseignez le mal de vivre, la misère et le néant, vous avez engendré assez de collectionneurs de Vierges en plastique, d'abstinents et de névrosés de la croix. Que les vivants et les morts vous prennent en pitié.

Moi je vous ai pardonné : vous avez ôté vos masques à travers ma plume.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

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