lundi 16 février 2009

32 - La grâce vaut mieux que le mérite

En dépit des faits intégrés, admis et universellement applaudis de la Révolution et du caractère de plus en plus impopulaire et irréaliste de mes points de vue sur les choses et les hommes de ce monde, ma sensibilité de chevalier me pousse à demeurer attaché à l'appropriation par l'élite aristocratique de la culture, de l'Art, des connaissances, de la science.

Je suis pour le non-partage des richesses immatérielles avec la masse. Transporter des cours universitaires jusque dans les bidonvilles pour instruire des illettrés est un non-sens, une mesure faussement humaniste. L'on voudrait donner accès aux études à n'importe qui, à des gueux, à des roturiers ? Le rôle de ces exclus de la culture est de faire valoir la générosité des chevaliers de mon espèce caracolant sur leurs beaux chevaux blancs.

Les prolétaires sont faits pour être pris en pitié par les âmes nobles qui leur font de temps à autre l'aumône avec condescendance. Là est le véritable humaniste. Je suis opposé à l'iniquité de la "méritocratie".

Seul "l'état de grâce" a du prix à mes yeux.

Le mérite a ses limites. Celui qui par son travail, son courage et ses vertus accède à certaines richesses, à quelque palme se hisse injustement au-dessus des autres prétendants au bonheur, au confort, à la justice. Et de quel droit celui qui est né plus talentueux, plus courageux, plus vertueux que les autres accaparerait-il les richesses de ce monde ? Les bandits, les idiots, les paresseux ont aussi un droit de jouissance inné sur les biens de cette Terre. Ne sont-ce point des êtres humains comme les autres ? A ce titre ce droit leur est acquis.

La grâce élit des têtes sans distinction de classe ou de mérite. C'est un principe divin, gratuit, poétique et par conséquent infiniment juste et beau.

C'est précisément l'esprit des chevaliers.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

dimanche 15 février 2009

31 - Claude Salopard

Claude Salopard, teigne à lunettes, vipère sauteuse, roquet "ânesque", puceron aboyeur berça ma scolarité de ses tendresses odieuses et izarriques obsessions.

Jamais je n'oublierai cet irremplaçable camarade de classe, ce grand ami d'études, cet apprécié voisin de dortoir, ce si cher oiseau de préau...

C'est qu'il avait la caresse âpre et les idées caméliennes, le petit Salopard lunettu...

N'importe ! Je recevais ses marques d'INFECTION indues comme autant de coups à rendre.

Je m'efforce de les restituer ici avec le plus d'équité possible, trente ans après.

Aux moments forts de ma scolarité son portrait épinglé en quelque lieu secret servait de cible à mes fléchettes vengeresses. Je ne le ratais point, j'avais 13 ans.

Aujourd'hui j'ai troqué les pointes d'acier de l'âge puéril contre la plume de la maturité pour mieux chatouiller les doigts de pieds virtuels de ce Claude Salopard que cette torture "plumesque" doit faire bien rire...

À en mourir.

De honte.

Le temps et les succès de l'existence aidant, j'ai pardonné à ce Claude Salopard quoi qu'il en soit. Et ce texte est superflu. Ce qui ne m'interdit nullement de le produire dans un superbe, total, parfait, arbitraire esprit de gratuité.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

30 - Le curé Descouilles

L'abbé Descouilles était burné comme un boeuf, c'est dire le trésor d'eunuque qu'il cachait sous la soutane... Chez la Marquise Déculade l'abbé Descouilles faisait merveille, vu que la noble dame en connaissait plus long sur les mystères de ses missels que sur ceux de l'anatomie virile. Et pendant que l'abbé s'entretenait chastement avec la marquise, le jardinier du château s'en donnait à coeur joie avec la bonniche : au verger, avec abnégation ils se démenaient pour ramasser tomates et salades, désherber, arranger, ordonner, et ce afin que madame la marquise pût être fière de son jardinier et de sa servante.

Le jardinier et la bonne à force d'ardeur finirent plus tôt que prévu leur labeur. Et, pénétrant à l'improviste dans le salon du château, surprirent leur maîtresse à califourchon sur un tabouret et derrière elle l'abbé à genoux, toutes fesses dehors...

Le scandale n'eut point lieu.

Après une brève explication les deux serviteurs se rendirent compte de leur confusion. En fait la Marquise était en prière, ainsi que le prêtre. Ce dernier, victime d'une lourde myopie, avait oublié ses lunettes au presbytère. Et dans son empressement à recevoir dignement la confession de la pécheresse, s'était trompé de sens dans sa posture pieuse. Si bien qu'au lieu de lui faire face à genoux, il s'était mis derrière elle. Par malchance, en se baissant à la hauteur de son ouaille, les coutures de son pantalon s'étaient déchirées (chose qui arrive, même aux abbés), ce qui fait qu'au moment-même où les deux domestiques entrèrent, ils trouvèrent la Marquise Déculade et l'abbé Descouilles en infâme posture. Mais seulement dans les apparences, heureusement...

C'est du moins l'explication que leur donnèrent les "coupables".

Mais curieusement à la suite de cet étrange incident on vit de plus en plus souvent le prêtre se rendre chez la marquise sans ses lunettes.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

29 - La mère du curé, la bonne et l'amante

L'amante du curé était pauvre, laide et méchante. Sa bonne (celle du curé) était pauvre également, mais elle était belle et son coeur était plein de bonté. L'amante aimait faire le mal, tandis que la bonne s'enflammait instantanément à la simple idée de faire le bien. Un jour la mère du curé tomba gravement malade à l'âge de cent trois ans, à la suite d'une chute (alors qu'elle portait de lourds fagots) provoquée par une ânesse maladroite et rétive revenant du marché avec son maître ivre sur le dos. La rencontre entre l'ânesse mal guidée et la porteuse de fagots fut funeste et fatale, la vieille ayant roulé avec douleurs et fracas dans le fossé, empêtrée dans ses fagots. Bref, la plus que centenaire était mourante. Ou du moins en avait l'air.

La bonne qui avait le coeur plein de sensibilité et l'âme bien blanche vint au chevet de l'infortunée, les mains pleines de chocolats et de fortifiants. Avec ferveur elle prodigua à la vieille des soins à n'en plus finir. Elle ne prit congé de l'aïeule que lorsqu'elle fut certaine de lui avoir apporté à très hautes doses réconfort, douceur, tendresse.

Dès que la bonne fut sortie de la maison de la malade, l'amante (qui était restée à épier dehors) entra à son tour. Elle se précipita dans la chambre de la pauvre femme avec un rire diabolique. Son âme étant bien laide, aussi laide que les traits de son visage à vrai dire, l'amante du curé ne vint pas les mains vides elle non plus : elle avait apporté trois boulets de charbon, une tête de cochon et un crucifix en bois vert fraîchement coupé. En la voyant ainsi entrer dans la chambre, la vieille eut à la fois une crise d'épilepsie, une crise cardiaque et une crise de nerf. Si bien que trois fois choquée, elle passa de l'autre côté... du lit. Pas morte pour un sou, l'aimable grand-mère, qui était rappelons-le la mère du curé, se recoucha, s'empara d'une torche éteinte et depuis son lit en asséna un coup assez violent sur la tête de l'amante (qui devait s'en remettre assez vite dans les jours qui suivirent). Après quoi elle mourut presque aussitôt des suites de sa chute, celle qu'elle venait de faire de son lit.

Le curé hérita de la fortune de sa mère. L'amante du curé, qui était laide et méchante, profita pleinement de la fortune du curé qui n'était pas son amant pour rien. La mère morte, l'amante était devenue riche.

L'amante qui était laide et méchante n'était plus pauvre. La belle et bonne âme quant à elle resta désespérément pauvre.

La moralité de cette histoire, c'est que la fortune vient plus facilement aux porteurs de boulets de charbons, de tête de cochon et de crucifix en bois vert.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

28 - Homosexuel

Avertissement aux lecteurs :

Le texte suivant ne saurait être le reflet d'une stricte vérité. Il n'est que le fruit de l'imagination de son auteur qui dans ce cas précis s'est inspiré non de faits factuels mais plus romanesquement des caractères des personnalités religieuses croisées à Saint-Riquier.

Monsieur le curé, l'abbé de la Corinthe, affectionne la compagnie virile. Les moustaches carrées l'agréent plus que les fins corsages. Les demoiselles en grande toilette lui inspirent un dégoût poliment contenu. Il a beau être entouré d'ouailles aguichantes, il n'a d'yeux que pour les mâles soupirants. Monsieur le curé qui est bel homme plaît en effet beaucoup à ces délicates qui trouvent toujours des prétextes pour aller se faire bénir au presbytère. Mais définitivement, la société des femmes l'indispose...

Lui ne songe qu'à de masculines étreintes, de "gendarmesques" baisers, de musculeux partenaires...

Parfois le soir l'on aperçoit la silhouette d'un soldat à travers la fenêtre de la maison curiale. Au petit matin bien avant la première messe l'hôte s'éclipse, laissant un parfum de mystère dans les draps de l'abbé de la Corinthe, d'après sa bonne.

Ce n'est plus un secret pour personne aujourd'hui, l'abbé "en" fait partie. Il est de "l'autre bord". Fait de travers, il ne regarde les choses de l'hymen que de travers. C'est sa nature, il est ainsi et même Dieu ne peut rien y faire.

C'est ainsi que les demoiselles en mal d'amour vinrent de moins en moins rendre visite à l'abbé.

Au presbytère il reste d'une exemplaire discrétion, même si de temps à autre on perçoit des ombres singulières derrière les carreaux aux rideaux tirés. C'est un bon et brave curé l'abbé de la Corinthe : pieux, dévoué, doux et charmant. Aussi ferme-t-on les yeux sur les réceptions vespérales, allées et venues nocturnes sous son toit...

Mais depuis qu'on lui connaît une liaison plus sérieuse, il s'est assagi : désormais il n'y a plus d'hommes chez lui.

Il y a UN homme.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

27 - Le Père Gauthier

Avertissement aux lecteurs :

Le texte suivant ne saurait être le reflet d'une stricte vérité. Il n'est que le fruit de l'imagination de son auteur qui dans ce cas précis s'est inspiré non de faits factuels mais plus romanesquement des caractères des personnalités religieuses croisées à Saint-Riquier.

L'abbé Gauthier aimait les hommes. Authentique homosexuel refoulé, sa véritable religion était l'hypocrisie. Les jeunes garçons efféminés étaient sa bête noire, les femmes son alibi. Il faisait croire à tout le monde que ces dernières étaient sa passion. Il arborait avec ostentation des signes de virilité en féminines compagnies, s'affichait sans complexe avec des putains, prenait soin à ce qu'on le vît s'enfermer dans le presbytère avec des communiantes pubères...

Le Père Gauthier n'omettait pas de forcer avec fracas et cris l'hymen de quelques-unes de ses ouailles dans le but de répandre la fausse rumeur de son hétérosexualité, jetant son dévolu de préférence sur les plus bavardes de ses fidèles (qui n'étaient pas nécessairement les plus jolies) afin de s'assurer du succès de son entreprise mensongère.

Il lui fallait à tout prix dissimuler ses passions de sodomite, fût-ce au prix de scandales plus ordinaires. Le vice du Père Gauthier consistant au commerce éhonté avec de jeunes fils de famille dénaturés, il devait sans cesse faire du zèle pour tromper son entourage, détourner son attention. Il faisait si bien diversion avec les femmes que nul n'aurait songé à le soupçonner de "coupables liaisons", si l'on peut dire.

C'est ainsi que le Père Gauthier se fit une solide réputation de trousse-jupons, lui qui abhorrait la chair femelle. Il mourut en laissant derrière lui cette fausse légende de Casanova des clochers qui effrayait tant les bonnes âmes, alors qu'il n'avait été toute sa vie qu'un incorrigible pédéraste.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

26 - L'abbé Pérrin

Il était une fois un curé de campagne bossu et pervers qui engrossait régulièrement ses ouailles. L'abbé Perrin était un "homme de nature", comme on dit. Son caractère était bien trempé, bien que son corps fût contrefait. Il aimait la bonne chère, les femmes, à peu près toutes les femmes, le vin, du plus aigre au plus fin, les jeux de hasard, du plus minable au plus dispendieux, et même disait la rumeur, les hommes bien montés. Bref, l'abbé Pérrin était un vrai débauché, un digne disciple de Casanova et de Sade réunis.

Souvent il revenait de ses excursions douteuses tard le soir, parfaitement ivre. Sa jeune bonne en payait généralement les frais, elle qui était belle et vertueuse comme une Vierge Sainte. Il la troussait sur-le-champ pour la saillir sur le pas de la porte du presbytère sans autre forme de procès. Il était fréquent que des passants vissent les ébats éhontés du prêtre qui ne se cachait d'ailleurs nullement. Il semblait même être particulièrement fier de ses publiques et acrobatiques prouesses... L'abbé Perrin était un authentique paillard, on devait au moins lui reconnaître cette qualité.

Le bossu impie rendait toujours visite à ses plus jolies protégées après la grand-messe du dimanche. Sans doute les vertus toniques du vin de messe que l'abbé absorbait avec une piété toute chrétienne... C'est que le curé pratiquait avec un rare scrupule la charité sur sa propre personne. Il avait au moins le sens de lui-même, à défaut d'avoir le sens de l'autre. Les plus laides de ses ouailles quant à elles se faisaient culbuter directement à confesse. L'abbé était esthète : il se réservait les plus jolis morceaux pour les fêtes. Pâques, Noël, noces, enterrements... Aux funérailles il consolait les belles éplorées. Aux mariages il exerçait son droit de cuissage sur les épousées, les déflorant au passage s'il avait omis de le faire au temps de leur communion, soit pour raison de décence à cause de leur puérilité, soit pour raison de goût, préférant les charnelles aux fluettes. Le bossu avait une solide morale. Aux jours de grandes fêtes, il besognait volontiers les Marquises, les Comtesses et quelques châtelaines. C'est qu'il avait du goût l'abbé.

A sa mort on sonna le glas dans toute la contrée : il avait tant essaimé, tant forcé de passages secrets que nulle pécheresse ne pouvait ne pas revendiquer avoir reçu au moins une fois l'hommage de son grand et fécond bâton de pèlerin, pour certaines dans le temple interdit, pour d'autres dans le vase naturel selon qu'elles furent belles ou laides.

On peut dire qu'il avait vraiment la bosse dure, l'abbé Pérrin.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

samedi 14 février 2009

25 - Multipliez-vous !

- Guide Moderne nouvellement réglementé du bon usage de la chrétienne copulation pour les épousés de l'Église Chrétienne, Apostolique, Romaine -

Avant que de disserter de toute chose qui aurait quelque rapport de proche ou d'éloigné à la matière sexuelle entrant dans le cadre sacré de l'union à vocation chrétienne (étant définie elle-même comme engendrant de manière volontaire enfants, au sein d'une famille constituée selon les saintes prescriptions de la Mère Église) il est à rappeler l'importance capitale de mettre à bonne et honnête disposition son coeur et son esprit et ce afin de ne jamais tomber, soit par sa propre volonté soit par défaillance, manque de foi ou faiblesse d'âme, dans les propos directement et bestialement charnels qu'inspire souventes fois le sujet de l'amour matrimonial.

Et encore moins se laisser envahir par ces mêmes pensées, dussent-elles s'exprimer de manière autre que verbale. On taira donc non seulement les propos de cet ordre, mais également les images mentales pouvant, à notre insu, prendre possession de notre esprit.

Le fait étant précisé, entrons dès lors dans le vif du débat. Madame, Monsieur, réjouissez-vous, vous êtes époux et épouse. Aujourd'hui votre chemin est jalonné par la sainte Croix. Elle vous conduira -quelle joie !- sur les terres austères de la contemplation divine.

1) Le devoir des nouveaux époux qui suit là joie du mariage.

a) - Se ressaisir.

La mariée sera si emplie d'honnête bonheur, à l'issue de la sainte cérémonie, qu'elle risquera d'être enivrée de joie, omettant bientôt son premier devoir de chrétienne épouse. Son nouvel époux n'omettra point, quant à lui, de faire revenir à la réalité l'âme bien pure égarée par les chants de messe et les pieuses images offertes à cette occasion.

b) - Faire face à la pauvre condition humaine.

Au lendemain des noces il sera bon donc, et même chrétiennement professé par le prêtre, de mettre à contribution les organes reproducteurs des deux parties, soit ceux frappés du mâle emblème et ceux marqués du sceau femelle. Aussi malheureuse que puisse paraître la chose aux yeux des sensibilités les plus pures, les plus chastes, il faut se rendre à l'évidence : c'est là l'humaine condition. Il faudra s'y résigner le plus chrétiennement possible.

Pour les âmes les plus vulnérables, la prière continuelle sera un excellent soutient moral et spirituel. Nous conseillons vivement aux gens trop affectés le recueillement religieux le plus fervent : par la grâce de ces élans toute douleur s'évanouit dans l'oubli de soi.

2) L'acte en lui-même.

a) - Le devoir, le plaisir.

Là est le coeur du problème. Entre joie charnelle et devoir chrétien de reproduction de l'espèce humaine, un abîme de douleurs, de doutes et d'hérésies a perdu bien des âmes... Le bon prêtre conseille de ne point laisser vagabonder son esprit, alors que s'effectue la chose, sur les parties non nécessaires à la reproduction que constitue le corps de l'époux ou de l'épouse dans sa nudité livrée. Toutefois il sera admis, mais non formellement conseillé (du moins officiellement) par le représentant de l'Église, que l'épouse ou l'époux laisse vagabonder non seulement son esprit mais encore ses mains, autour des parties du corps que la médecine moderne recense comme étant les sièges conformes de la licite volupté, au moins chez les gens normalement constitués et non dénaturés par le vice. Ces parties légalement recensées sont, par ordre croissant de la volupté provoquée, chez le sujet femelle :

- Le contour des avant-bras. Le bas des épaules.

- Le haut du ventre.

- Le milieu des flancs.

- Le haut des mollets, entre partie supérieure de la cuisse et partie basse de l'articulation du genou.

Chez le sujet fort :

- Le contour des avant-bras.

- Le bas des épaules

- Les épaules en elles-mêmes.

- Les muscles du torse, entre exactement le haut du nombril et le bas du tétin.

- Les muscles du mollet, à partir du milieu jusqu'en haut, à la base du genou.

Toute autre partie du corps exposée à de coupables attouchements ou même représentée par la pensée à des fins perversement anti-naturelles de recherche de volupté, sera considérée comme à jamais souillée. Tout chrétien surpris par le prêtre, ou par un de ses délégués mandatés en train de s'adonner à des pratiques sataniques, c'est-à-dire toutes celles qui diffèrent de celles citées plus haut, sera excommunié.

Le baiser contre la bouche est proscrit.

b) - L 'acte.

Il se fera dans le silence le plus pieux. La femme, chastement, réprimera toute manifestation sonore produite par le flot régulier de son souffle au travers des parois de sa bouche. Elle exhalera avec discrétion son haleine ouvrant bien la bouche, afin que l'air expulsé offre le moins de résistance possible contre les parois internes de son orifice buccal, et qu'ainsi le bruit de ses poumons ventilés s'atténue chrétiennement.

Les deux époux auront bien entendu les yeux clos du début à la fin du procès. Pour plus de sécurité, on aura pris soin d'éloigner toute source de clarté de l'alcôve. Par temps de Lune les volets seront hermétiquement clos, de crainte que les clartés sélènes ne fassent naître en eux de coupables désirs, à leur insu.

L'homme se contiendra pareillement à la femme. Sans y être formellement contraint toutefois en ce qui le concerne. Les bruits incongrus émanés des viscères seront couverts par un quelconque moyen (voir pour cela dans les pieux manuels de la bibliothèque du bon pasteur les divers subterfuges mis à la disposition des époux).

Très important :

L'homme, toujours, sera sur l'épouse, ET NON L'INVERSE ! Transgresser cette loi naturelle et biblique serait un péché mortel, et entraînerait moult tourments, légalement répertoriés selon la gravité des faits. (Un exemplaire des supplices infligés aux époux qui se rendraient coupables de tels agissements est déposé chez l'Inquisiteur Général, consultable sur place.)

Si l'acte est agrémenté des fantaisies, admises mais non officiellement conseillées par le corps religieux, citées précédemment, cela ne doit pas pour autant être prétexte à prolonger indûment le procès de procréation.

Celui-ci sera conclu dès que la partie mâle aura fécondé la matière vive. À l'intérieur de cette limite la femme devra trouver la mesure, l'étendue et la rigueur de sa volupté, seulement si elle y consent soit par excès de santé, soit par faiblesse de caractère et d'âme. Sur ce point l'homme demeure toujours souverain. Une fois le vase naturel de la femme fécondé, les corps se sépareront sans délai. On pourra rouvrir les yeux, à condition que la nudité des deux parties soit dûment dissimulée aux regards mutuels et que rien d'impudique n'offense I'amour consommé des époux.

Madame, Monsieur, après examen minutieux de la présente information, multipliez-vous dans l'allégresse, et priez, priez pour tous les bienfaits du Ciel octroyés aux heureux épousés. Élevez vos enfants selon les principes honnêtes de la chrétienne Église, enseignez-leur le respect des saintes traditions bibliques, apprenez-leur l'amour de Dieu, l'amour de la vie, et communiquez-leur les joies de l'austérité, de la sévérité, soyez justes mais dignement inflexibles.

Concevez dans la plus grande chasteté, rendez grâce pour les douleurs de l'enfantement, usez-vous saintement les genoux à faire pénitence, et soyez heureux.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

24 - Les cloches du bedeau

Emile le simplet du village avec son air benêt de sacristain-né et son imposante stature était tout destiné pour recevoir de son curé la charge officieuse d'homme à tout faire. Plus exactement de sonneur de cloches, domaine dans lequel il devait bientôt exceller.

Fier de ses 130 kilos, il savait comme nul autre faire chanter le métal. Sa surcharge pondérale faisait merveille pour occuper cette fonction hautement spécialisée. Pouls du village, c'est du clocher que se répandaient les informations essentielles : funérailles, baptêmes, mariages, fêtes... Seule distraction du village, les cloches représentaient la voix du Ciel.

Emile avait découvert que de son habileté à battre l'airain dépendait la force avec laquelle impressionner les ouailles. Tristes ou joyeuses, il savait avec subtilité annoncer les nouvelles, influencer les coeurs dans un sens ou dans l'autre, accélérer ou apaiser leurs battements. Pas si sot qu'on le croyait, doué d'un pouvoir hors du commun, il avait très vite appris à nuancer les clameurs du clocher afin de mieux faire résonner les âmes.

Par exemple à l'heure du glas il pouvait à sa guise alléger les âmes en peine ou au contraire donner un air sinistre aux mariages, rendre poétiques, comiques ou bien infiniment solennels les dimanches matins, et tout ça rien qu'en modulant le son des cloches, à sa façon... Il pouvait choisir certains dimanches de remplir l'église ou en interdire l'accès. Il lui suffisait pour cela de manier d'une certaine façon les cordes du clocher pour attirer les fidèles ou les décourager. Au grand émoi du prêtre qui, comme les autres, ne comprenait rien à ces mystères, incapable de faire le rapprochement entre ces événements et l'écho des cloches. Ce qui amusait beaucoup Emile.

De sonnerie en sonnerie il s'initiait à cet art jusque là inconnu, dont lui seul d'ailleurs détenait le secret. Ainsi Emile agissait sur l'inconscient des habitants, manipulant à son gré son petit monde, parvenant même à toucher les personnalités les plus averties, les êtres les plus insensibles, les notables les plus instruits, changeant leur état d'âme, dirigeant leurs humeurs, provoquant chez eux joie ou mélancolie, sérénité ou excitation. Alors que tous, curés comme paysans, considéraient Emile comme un imbécile, lui les dominait parce qu'il maîtrisait leurs rouages intérieurs, à leur insu.

Emile, pour idiot qu'il passait aux yeux de tous, n'en était pas moins passé maître dans l'art de faire sonner le fond des êtres, par cloches interposées. Il était en quelque sorte le vrai chef du village, lui qui secrètement savait régler la mécanique des âmes.

Emile vécu longtemps à la tête de son orchestre de "diablotins à cordes".

A ses funérailles, tout le village se réunit autour de sa tombe. Le temps était calme, pas une brise. Au moment de mettre en terre l'humble cercueil du bedeau, les cloches de l'église se mirent à sonner légèrement sous un mystérieux coup de vent.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

23 - Confessions d'un pécheur à son curé

Monsieur le curé,

Vous l'avouerais-je ? Ma chair vit sous l'empire de feux sacrilèges.

Que le Ciel me pardonne car souventes fois je m'adonne aux forfaits de la chair. D'ignoble façon je fais se répandre hors de mes flancs l'onde sacrée. J'assiste avec rage et vif contentement à la perte de mes blanches humeurs. Il est vrai que le crime ne serait pas bien grand si je me bornais à cette seule licence. Mais sans cesse j'use, dans le dessein de me mieux noyer dans la coupe des plaisirs, des moyens infâmes inspirés par mon imagination libidineuse la plus éhontée... C'est que, non content de succomber à l'appel du Diable, je demande systématiquement la collaboration de tierces personnes pour servir ma cause abjecte.

Votre jeune servante pourrait témoigner de la chose mieux que par cette honteuse confession. Les marques de mes déviances, à travers son hymen déchiré, pourraient attester, s'il me fallait vous avouer ce crime par un tableau cru pour mieux en rougir sous vos yeux, de la faiblesse de mon âme dans le combat qu'elle mène pour son salut.

Pour ma décharge, Dieu ne savait-il donc pas ce qu'il faisait en me dotant d'un joli organe ? En troussant votre servante, Monsieur le curé j'ai péché une fois par jour depuis qu'elle est à votre service.

Est-ce donc si grand crime que de vouloir loger en lieu choisi l'objet de tant de fièvre ? Difficile de résister à l'appel impie des sens. Mâle faiblesse que Dieu devra me pardonner... Toutefois j'aspire sincèrement à la paix de ma chair mon Père, à la vertu, à la pureté, comme vous me l'avez si bien enseigné.

Cependant il y a contradiction entre les aspirations impures de mon corps de garçon et celles, plus nettes, de mon âme. Mais je vous rassure tout de suite mon Père, lorsque je m'abandonne aux mollesses d'une sensualité mal contenue, je ne le fais jamais par conviction. Uniquement par faiblesse. Le vice n'est vice que quand il est désiré, volontaire, cultivé. Il en est de même de la vertu. Un comportement vertueux ne l'est que quand il est choisi délibérément.

Bref, je suis tiraillé entre deux feux. Combat inégal entre la tyranique nature et le Ciel abstrait, entre la force vive de la Terre et l'humaine vertu, entre chair et esprit... Seul, confronté aux tourments de la chair en éveil, je me retrouve livré à tous mes démons. Et l'un de ces méchants anges de l'enfer me tente parfois, et bientôt je succombe à ses appels obscènes. De temps à autre je m'en vais explorer l'ombre et la fange en quête de vils émois en compagnie de votre innocente bonne, pendant que vous faites du vélo. Ainsi voilà l'Homme si grand, face à sa misère.

Comment me soustraire au cloaque de mes vices ? Purifiez-moi par l'effet de votre miséricorde, je ne vois plus que cette solution...

Je vous ai ouvert mon âme, soyez-en digne. Ne me faites pas rougir davantage. J'ai voulu me montrer en vérité devant vous. Je me suis dévoilé sans fard ni mensonge, allant jusqu'à compromettre votre pauvre servante pour mieux m'humilier devant vous.

Avouons les faits sans détours...

Las ! Ce matin encore, à l'heure où certaines bonnes âmes songeaient à moi de la manière la plus pure, la plus chaste qui soit, cédant à mes viles passions je me suis vautré dans d'infâmes ébats charnels en compagnie de votre fidèle servante. J'ai, une fois de plus, délicieusement malmené le séant délectable de votre bonne. Faillible elle aussi, soulignons-le en passant. Je me suis corrompu sous l'effet de mes sens qui s'enflammaient. J'ai usé des moyens les plus condamnables, puisé dans les ressources de mon imagination la plus impure pour me mieux damner sous les spasmes libérateurs de la volupté. Une fois l'incendie éteint, je regrette, rougis, me dis que je ne recommencerai pas... Et puis dès que le démon de la luxure revient mettre le feu à ma chair, je m'en vais aussitôt et sans fléchir culbuter le derrière de votre bonne.

Par naturel tempérament, et non par recherche du vice, j'avoue être un authentique disciple de Monsieur de Casanova, la souveraine Nature ayant versé un peu de soufre dans mon sang... Pardonnez-moi mon Père, car je me suis livré aux exploits scandaleux dont cet italien dépravé s'est fait le célèbre apôtre, lesquels font perdre la tête aux êtres assez faibles pour s'y adonner mais assez esthètes pour en tirer honteuse jouissance. Il faut dire que votre servante m'a peu incité à refroidir mes ardeurs à l'endroit de son panache. Je vous ai fait ici la confession de mes coupables appétits. Tous assouvis. Ce sera le principal péché qu'il vous faudra me pardonner.

Merci mon Père de ne pas faire si grand cas de mes écarts. Je vous demanderai en outre de prendre charitablement sous votre coupe le fruit amer de mes égarements : c'est que votre bonne a eu la mauvaise idée de devenir grosse. Je l'ai constaté ce matin en la troussant pour la dernière fois.

Je ne doute pas que dans son infinie mansuétude l'Eglise saura faire de cette graine du péché qui viendra bientôt au monde un honnête chrétien qui ne ressemblera pas à son père. Ou une digne enfant de couvent qui n'imitera pas sa mère. Vous n'aurez qu'à reconnaître l'intrus devant Monsieur le maire, et sa petite âme sera à vous. Faites donc sonner trompette tout votre soûl et sans vous cacher mon Père : votre servante sera officiellement votre femelle propriété par l'intercession de Monsieur le Maire qui vous attribuera la paternité du fruit des entrailles de cette pécheresse.

Adieu mon Père, je pars pour les lointaines Amériques.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

22 - Un défi christique

Lettre envoyée à un jeune prêtre catholique.

Mon Père,

Les dignitaires de notre Église bien-aimée se devant de montrer l'exemple à leurs ouailles, nous en convenons tous, une idée m'est venue : si nous leurs faisions passer un examen ? Une sorte d'épreuve grandeur nature à l'image de leur concret engagement sur le terrain, parmi les hommes. Au nom de la cause pie, quasiment céleste que ces hautes gens défendent, je ne doute pas que ma proposition sera accueillie avec chrétienne allégresse. Je présage que celle-ci remportera un réel succès auprès de ces membres choisis du clergé, habituellement si prompts à donner corps à leur publique piété.

Une si éloquente mise à l'épreuve ne peut se refuser. Comment douter de la valeur des éminences de l'Église ? Et qu'elles s'abstiennent pour une fois de faire les humbles : l'occasion leur est donnée de nous montrer le prix qu'elles mettent à leur cher sacerdoce.

Venons-en au fait. Ne serait-il pas séant que vous demandiez à un évêque de piétiner en public, et avec coeur, ses plus irréductibles attributs (mitre et crosse), au nom du fait que l'attribut n'est point l'essence, que l'essence vaut encore mieux que l'attribut, et que sans cette éclatante initiative aucun évêque ne saurait être crédible (le piétinement d'objets d'apparat équivalant à un glorieux renoncement des convenances ecclésiastiques) ?

Je m'explique.

Le sacrifice est un geste d’élévation, il est pur altruisme. L'amour qui se désiste dès le moindre sacrifice ne vaut guère. Gratuit, irrationnel l'amour est cependant exigeant, c’est ce qui fait son infinie valeur. Il faut concrètement mettre un prix aux choses, ne pas hésiter à mettre en pratique certains principes, exalter la portée de l’acte. C'est le principe que je défends au sujet de la mitre et de la crosse. Il ne serait pas mauvais de les faire piétiner en public par l'évêque en personne, de temps à autre, aux fêtes de Noël ou de Pâques, par exemple. Il s'agit surtout de montrer aux fidèles, qui ont toujours tendance à s'égarer, que l'essentiel n'est pas dans le sceptre du roi mais dans le coeur des hommes.

Autrement dit s'il fallait qu'entre ces deux intérêts, attribut et essence, l'un fût à sacrifier pour le salut de l'autre, ne verrait-on pas triompher la cause dictée par le choix le plus congru ?

Rien de trivial dans cette affaire, juste une banale épreuve que je ne craindrai pas de qualifier de biblique. Les évêques que je tiens pour de saintes conceptions théoriques n'en sont pas moins pécheurs en réalité, mais surtout hommes perfectibles, au même titre que n'importe quel quidam de cette Terre. Et sous leur pied vaillant au service de la vérité prendraient tout leur sens les paroles quasi christiques du Petit Prince : "L'essentiel est invisible pour les yeux."

Mon dessein n'est pas autre que de vérifier l'aptitude et la promptitude des évêques à piétiner publiquement mitres et crosses. Autrement dit, de vérifier la profondeur de leur piété, la grandeur de leur âme, le poids de leur vocation.

J’espère de tout cœur que ma proposition sera prise au pied de la lettre, que sous mon impulsion l'exemple tombera d'en haut. Soyez témoin mon Père de mon sincère, pieux empressement de voir foulées mitres et crosses par le talon de leurs légitimes porteurs.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

21 - Miracle dominical

À la messe du dimanche matin il se passe de temps à autre des petits miracles : sous les voûtes d'une cathédrale prestigieuse ou d'une humble église de campagne la grâce peut soudainement descendre, faire frémir les statues, briser la pierre des coeurs.

Face aux fidèles un visage apparaît, au regard plein de pureté. Celui d'un enfant ou d'une jeune fille. Silhouette diaphane sous la lumière des vitraux... Alors les lèvres se tendent, une voix fluette s'élève, fervente. Et sème au vent de l'esprit une prière qui emplit tout l'espace, fait oublier et le passé et les jours à venir. Et une minute durant abolit même l'épouvante de la mort, fait désirer les sommets de l'autre monde.

Là, le Ciel brouille ma vue, éclaircit mon esprit.

Ce chant en solo m'émerveille, me trouble, me bouleverse, entraîne mon âme dans les hauteurs rares de ses savants aigus. Le visage de l'interprète au timbre cristallin devient radieux sous l'effet de la pieuse harmonie. Une parcelle d'éternité passe à travers la gorge frêle.

C'est le chant de l'ange.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

20 - Un directeur d'institution bien naïf...

Une lettre.

Madame,

J'ai pris connaissance de votre lettre avec grand mécontentement. Ainsi vous prétendez que les jeunes filles de cette digne institution religieuse que j'ai l'honneur de diriger s'adonnent à la luxure la plus éhontée ? Vos affirmations choquent la morale, Madame. Vous vous faites ici l'écho de rumeurs parfaitement infondées, de ragots infâmes sans doute diffusés par les ennemis de la religion.

Comment avez-vous osé m'écrire de telles choses, vous qui êtes pourtant une ancienne pensionnaire de cette institution ? Est-ce donc là le résultat de la saine éducation prodiguée aux jeunes filles de bonnes familles entre ces murs choisis ? Vous corrompez l'éducation honnête que l'on vous a donnée en ces lieux Madame.

Vous ne faites pas honneur à vos précepteurs Madame, en prétendant avec autant d'impudence que derrière les murs de cette institution nos Demoiselles se livrent à un commerce immoral avec des débauchés... Vous faites preuve d'une bien grande effronterie pour oser affirmer avoir vécu de telles turpitudes au temps où vous étiez chez nous, et jamais l'on a vu chez nos sages et vertueuses Demoiselles semblable impertinence, ni pareille démesure dans la licence, ni telle outrance dans le langage !

Aucune jeune fille bien élevée ne songe, sachez-le bien Madame, à des choses aussi horribles, aussi répugnantes et aussi impies que ces chimères libidineuses que vous avez évoquées. Et s'il en est quelques-unes qui évoquent de temps à autre quelque galant jeune homme ou bien tel Monsieur entr'aperçu et qui avaient une belle prestance, croyez bien Madame que c'est toujours en termes honnêtes. Jamais les propos entendus ne dépassent les limites bienséantes du coeur, et les pensées elles-mêmes, pourtant secrètes, ne vont pas au-delà, j'en suis persuadé, du discours public et platonique.

Lorsqu'une de ces honnêtes Demoiselles dont j'ai la charge s'émeut vivement au nom de tel ou tel visiteur étranger de l'institution, c'est soit à cause de sa belle toilette (à entendre certaines), soit c'est au nom de l'épée qu'il porte au côté. Curieusement ces épées sont très souvent un vif sujet d'émoi chez nos jeunes filles. Simple lubie juvénile, bien innocente ma foi.

Bref, soyez certaine Madame qu'aucune de ces Demoiselles ne songe à mal en ces circonstances. Mes élèves me sourient de manière bien innocente, lorsqu'elles me parlent de l'épée de tel ou tel visiteur, et je les laisse toujours aller s'ébaudir ensemble comme des enfants derrière les murs de notre chapelle, ne leur interdisant même pas de prendre la main à ces visiteurs impromptus, tant ma confiance en leurs vertus est grande. Ces étrangers de l'institution sont devenus des habitués d'ailleurs (je les connais bien à force de les voir, et ils sont plus amis qu'étrangers, comment pourrais-je les soupçonner ?).

De leurs chastes divertissements, ces Demoiselles me reviennent chaque fois apaisées, sereines, comme épanouies. Cela m'inspire d'ailleurs les meilleures certitudes quant à leur avenir conjugal. Ce seront des épouses honnêtes et ignorantes au jour de leur légitime hyménée car bien accompagnées aujourd'hui.

Avec quelle charmante naïveté elles évoquent les épées de ces Messieurs ! Elles me racontent qu'elles n'ont de cesse de les toucher, de les caresser (il faut dire que certaines sont ouvragées avec art), voire même de les baiser... C'est à rire de bon coeur tant c'est frais, touchant, charmant ! Je crois bien que toutes les jeunes filles de l'institution ont déjà goûté aux épées de ces prestes moustachus galonnés. Comment pouvez-vous donc raconter qu'il se passe chez nous toutes ces horreurs en rapport avec la chair ? Cela ne se peut, Madame.

Cela est vraiment touchant de voir à la fin de la récréation vespérale ces Demoiselles revenir de derrière les murs de la chapelle, où je les laisse jouir un peu de leur liberté, si restreinte le reste du temps (pensez donc, ce sont des pensionnaires cloîtrées toute l'année à l'institution)... Elles me reviennent à chaque fois les yeux ravis, le sourire aux lèvres et les habits biens mis, consciencieusement réajustés et... Et ma foi c'est curieux à vrai dire... A présent que j'y songe...

Certaines ont des brins d'herbes dans la coiffe, d'autres des mèches folles qui sortent du chignon et presque toutes ont l'haleine singulière... Mais suis-je bête !

Tous ces signes, ces symptômes ne peuvent tromper : c'est la preuve qu'elles ont joué à colin-maillard ou à je ne sais quel autre jeu d'enfant, et que prises dans ces espiègleries, ces farandoles et tourbillons qui siéent à leur jeunesse, elles n'ont point vu la racine malencontreuse ni pris garde à la pomme trop mûre cueillie à la hâte, dans la fougue de leur âge (il pousse nombre d'arbres fruitiers derrière la chapelle de l'institution), gâtant ainsi leur fraîche haleine... Omettant se s'essuyer après avoir croqué le fruit et l'avoir savouré en toute innocence, leur haleine exhale naturellement quelque effluve superflu.

Enfin bref, l'important est que ces galants visiteurs qui rendent parfois visite à nos jeunes filles leurs changent les idées avec leur épée (ces jeunes filles ont vraiment d'étranges centres d'intérêt, j'en conviens, mais c'est là un mystère que je ne suis pas encore parvenu à percer chez elles).

Maintenant n'allez plus m'inventer, Madame, d'odieuses considérations. A la lumière de ce que je vous ai relaté, constatez que les évocations libidineuses sont étrangères de mes élèves et qu'elles sont vôtres uniquement, parce que votre âme est perturbée, parce que votre chair a des penchants contre-nature, et parce que le péché semble vous plaire, Madame.

Adieu Madame, et laissez-moi me consacrer à l'éducation des jeunes filles que m'ont confiées les meilleures familles du pays. Je suis trop lucide pour ne discerner que piété, pureté et jolies pensées dans le regard de ces Demoiselles.

Tout le reste, ce sont vos vues mensongères Madame. Ce sont vos vices, et rien que vos vices.

Le Directeur.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

19 - Education religieuse

L'abbé Boyer, à la tête d'un orphelinat de province depuis 1830, est un sadique-né redoutable qui mène son petit monde d'une main de fer.

Son plus grand plaisir est de broyer méthodiquement les petits êtres perdus confiés par l'Assistance Charitable de France.

D'une foi inébranlable, le bon abbé enseigne avec rigueur et droiture la piété la plus doctrinale. Les orphelins de son institution sont sa bête noire : il méprise ces enfants de démons de toute sa hauteur ogresque. 120 kilos de muscles et de haine à l'état brut s'acharnant sur les pupilles, cela entretient sa belle santé. Encouragé par ses supérieurs, loué par les dames de bonne société, dans les bonnes grâces du pape lui-même, l'abbé jouit d'une considération universelle.

Austère mais juste, le père Boyer ne flagelle ses petits orphelins que pour des motifs hautement moraux : pénitence religieuse, affermissement de la foi, élévation spirituelle. Ou des fautes graves : vol d'un morceau de pain, assoupissement à la prière du matin, récitation maladroite de la Bible en latin... Le bon père estime en effet qu'à huit ans tout enfant se doit d'être raisonnable et rompre définitivement avec les molles tendresses de l'âge candide.

- "A huit ans on est un homme, bon sang !", répète-t-il sans cesse à ses pensionnaires pleins d'ingratitude...

D'un caractère trempé, l'abbé ne supporte pas les plaintes des plus chétifs. D'ailleurs la seule vue de ces êtres débiles le met généralement hors de lui. Alors lorsqu'en plus ces derniers se plaignent, il explose le Père... Mais heureusement jamais à bout de ressources, il fait taire les récalcitrants avec des procédés qui ont fait leurs preuves : privations de nourriture, de sommeil, corvées et prières, marches nocturnes forcées pieds nus avec fardeaux, etc. Des années à observer ses protégés, à expérimenter sur eux les idées pédagogiques les plus ingénieuses lui ont apporté les bases d'un enseignement sans faille. On ne la lui fait pas à l'abbé. Autodidacte, il connaît les méthodes pour mâter ces graines de vice...

Petit Pierre est sorti de l'institution religieuse à l'âge de 21 ans avec une formation de commis agricole, après 13 ans passés sous la protection de l'abbé. Aujourd'hui il travaille comme vacher dans une ferme. Payé en pain frais, bon lait crémeux de vache, litière de paille, solitude et rosée matinale, il mange presque à sa faim. Bref, il est heureux.

Gloire à l'abbé Boyer, sévère mais juste !

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

18 - Le vice masqué

Miss Gulch,

J'aime vos airs d'hypocrite, votre col étriqué, votre maintien ridicule, votre voix stridente de vieille fille abstinente. Votre méchanceté est un vrai théâtre. Je ris de vos malheurs. Votre hymen irrémédiablement clos fait la joie des railleurs. Il est le frisson délicieux des enfants qui vous croient sorcière. Il est la rumeur tapageuse des soirs d'hiver...

Votre voile intact Miss Gulch est un hymne à la littérature.

J'aime vos moeurs désuètes, votre missel poussiéreux, votre morale irréprochable. Votre personnage est d'autant plus savoureux que je devine vos désirs inavouables. Je sais ce que dissimulent vos artifices. Je connais la valeur de votre moralité. Je n'imagine que trop les secrets de votre coeur frustré...

Vous êtes une vraie bigote ainsi que je les aime : derrière votre livre de messe vous frémissez d'aise en songeant à ces lurons musculeux entr'aperçus à l'entrée de l'église, hache à la main, l'oeil canaille. Vous rosissez parfois devant votre jeune curé que vous trouvez tellement efféminé... Vous n'osez pas toujours regarder le corps de votre cher Christ étendu sur la croix : sa nudité offense votre chapeau si chaste. A moins qu'elle n'en fasse sortir de drôles d'idées...

Vieille chouette décatie, caqueteuse au plumage terne, glaneuse de mauvaises nouvelles, vous ne rêvez en réalité que d'étreintes impies, de corps à corps endiablés, d'ébats charnels éhontés. Vous aimeriez tant goûter à cette ivresse amoureuse que vous honnissez si furieusement, tout haut...

Mais vous êtes laide Miss Gulch, laide et déjà trop vieille. Continuez plutôt à égayer nos conversations au coin du feu, continuez à chanter sous la lune vos cantiques avec cette voix suraiguë qui fait frémir les enfants, fuir les amants.

Et leur fait aimer encore plus les jolies femmes.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

17 - Vieille tante

Chez elle ça puait l'honnêteté : vierge en plastique trônant sur le poste de télévision, chien bâtard sagement couché dans son panier, horloge-baromètre aux armes criardes du Mont-Saint-Michel, portrait jauni d'une aïeule au regard sévère et stupide...

Inculte, superstitieuse, aimable avec tous par opportunisme, croyante par habitude, cette vieille tante attardée méritait, à soixante-dix-neuf ans, une bonne raclée littéraire, un concert de trompettes dans l'espèce de caveau lui tenant lieu d'habitation, un grand coup de masse dans sa routine.

Bref, un réveil en fanfare à l'orée de sa mort.

Pour commencer je crachai au visage de la défunte encadrée. Grand émoi chez la casanière. Pour faire hurler de plus belle la vieille pantouflarde, je me mis à lui parler avec la désinvolture des gens qui se savent supérieurs :

- "Infâme décrépite, que croyez-vous que vous valez à mes yeux avec une si minuscule existence ? Qu'attendiez-vous donc d'un bel esprit comme moi avec vos allures d'éternelle retraitée ? Que je me range à votre cause inepte ? Esprit rabougri ! Gibier d'hospice ! Âme insignifiante !"

Scandale dans la chaumière. Je m'emparai de la Vierge en plastique :

- "Vieille chouette, à voir cette horreur couverte de poussière ça fait bien vingt ans que vous avez été vous agenouiller à Lourdes en ânonnant des prières pour l'âme de l'autre hulotte décatie accrochée au mur, n'est-ce pas ? Et qu'avez-vous fait pour sa mémoire ? Vous avez acheté à grand frais cet ignoble moulage d'usine. Vous n'avez pas honte ? Femme sans goût, avez-vous au moins ouvert un seul livre dans votre vie de limace, à part les almanachs locaux ?"

Je jetai contre le portrait de l'ancêtre l'objet du délit. Fracas du verre sale recouvrant le cadre (qui en bougeant laissa échapper quelques araignées tapies derrière depuis des lustres), effroi de la propriétaire, rire sardonique de l'auteur de ces lignes...

- "Maintenant que vous savez ce que je pense de vous, vous pouvez rendre l'âme ma tante, si vous en avez encore une. Votre grand âge ne vous mettant pas à l'abri d'hériter d'un si petit esprit, il serait inconcevable que vous ne me rendiez pas grâces pour ce grand dépoussiérage intérieur que je viens de vous accorder."

Je quittai l'ingrate qui ne daigna pas m'adresser le moindre remerciement. Elle mourut trois jours après.

D'inanité.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

16 - L'abbé Bichart

Avertissement aux lecteurs :

Le texte suivant ne saurait être le reflet d'une stricte vérité. Il n'est que le fruit de l'imagination de son auteur qui dans ce cas précis s'est inspiré non de faits factuels mais plus romanesquement des caractères des personnalités religieuses croisées à Saint-Riquier.

L'abbé Bichart était un saint homme. La quarantaine ascétique, les traits fins, sensible, cultivé, possédant d'authentiques qualité humaines et spirituelles, très pieux, il comblait bien au-delà de leurs attentes ses ouailles comme ses supérieurs.

A cela près qu'il était affligé d'un défaut insolite arrivé quelques années après son ordination, une étrange tare de langage, une sorte de tic de la pensée, une bizarrerie de l'esprit : le pauvre homme ne pouvait s'empêcher de jurer comme un diable à la moindre occasion et où qu'il fût, et surtout "d'enjoliver" ses phrases anodines ou solennelles avec les propos les plus orduriers qui soient.

Ca n'était pas de simples jurons qui sortaient de sa bouche sensée n'émettre que les plus chastes onctions, non. On avait affaire là à des canailleries sans nom propres à faire rougir des régiments entiers de charretiers affectés aux écuries de l'infanterie ! Sans doute les effets insoupçonnés d'une chasteté mal contenue, le résultat fâcheux de plusieurs années d'abstinence que l'on devine odieuses, funestes pour le prêtre que sa fonction condamne traditionnellement à une solitude cruelle... Soulignons que l'abbé possédait une nature portée sur les plaisirs plutôt subtils, esthétiques de la sensualité. Aussi ces obscénités langagières contrastaient-elles abominablement avec l'aspect efféminé, fragile, fluet de son auteur, ainsi qu'avec ses manières délicates, distinguées, et même aristocratiques. L'abbé Bichart, en effet, était de haute extraction.

"Où qu'il fût et à la moindre occasion", répétons-le, l'abbé proférait d'incroyables crapuleries. Le pire endroit qu'on puisse songer en ce cas étant bien entendu l'église, de dimanche en dimanche celle-ci avait finit par se vider... Ne restait qu'un noyau de fidèles pour écouter les grossièretés du prêtre. Ceux et celles qui venaient et restaient jusqu'au bout étaient animés, on s'en doute, par une curiosité déplacée. Ou par quelque vice peu avouable. Quelques tendrons émotifs, mais aussi une ou deux vieilles filles "bien comme il faut" s'attardaient volontiers de temps à autre le dimanche à l'église pour entendre les sermons de l'abbé ponctués d'indicibles gravelures...

- "Mes chers frères et soeurs, remercions notre Seigneur tout puissant pour sa bonté infinie envers l'Humanité toute entière...", disait-il du haut de sa chaire sur un ton solennel empreint de piété, puis sans terminer sa phrase et prenant un ton plus crapuleux il ajoutait aussitôt, s'adressant aux vieilles filles agenouillées et aux demoiselles émotives qui frémissaient déjà : "... et accessoirement remercions-le de ne m'avoir pas doté de deux ou trois paires de couilles-à-vaches en supplément et de plusieurs braquemarts-à-empistonner afin que j'enfilasse par l'entonnoir à purin deux ou trois papes impuissants à la fois et une gueuse-à-couilles en sus ! Ha ! Nom d'un curé pédéraste de mes deux, que celle parmi vous qui veut que je lui envache le treux-à-enfiler monte sur ma chaire, et je l'encouillaserai publiquement jusque dans le fond de sa panse par là-où-que-passe-la-pisse-de-fumelle après l'avoir bourrenvachée truiesquement par le boyeux-de-son-cul ! Sacré nom de mes deux de cureton de nom d'un treux-du-cul d'une escalope de coche à couillasses de sacré nom des couilles du Diable ! Je m'enfilerais bien par le treux de derrière ou de devant quelque donzelle tombée en rut à la vue de mes grosses couilles de vache, et même un pasteur catholique vérolé ou pourquoi pas un pédé d'archevêque embordelisé jusqu'à la moelle ! Je vous montrerai ce que vaut la couille d'un cureton moi, sacré nom d'un boyeux-de-fumelle de vache à baise de mes deux ! Enfin, reprenant un ton plus digne, comme si de rien n'était son sermon se poursuivait de la manière la plus normale qui soit, jusqu'à la prochaine crise : "Mes bien chers frères et soeurs, Dieu tout puissant dans son infinie bonté disais-je donc..." Etc.

Tels étaient les propos avec lesquels l'abbé Bichart pétrifiait son auditoire (tout ouïe, ne le cachons pas). L'effet évidemment était extraordinaire.

L'écho de ses écarts de langage involontaires parvint jusqu'au plus hautes sphères du clergé, à Rome. Il fut un temps placé d'office dans une station thermale, en repos forcé. Finalement il put reprendre bientôt ses fonctions avec la bénédiction de son évêque qui lui confia la charge ingrate de remettre dans le droit chemin toute une congrégation de bonnes soeurs dévoyées...

Après cela, allez percer les mystères de l'institution cléricale !

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

15 - L'abbé "Queue-de-Boeuf"

Avertissement aux lecteurs :

Le texte suivant ne saurait être le reflet d'une stricte vérité. Il n'est que le fruit de l'imagination de son auteur qui dans ce cas précis s'est inspiré non de faits factuels mais plus romanesquement des caractères des personnalités religieuses croisées à Saint-Riquier.

Le père Anselme avait une réputation non usurpée de sacré foutu paillard : il donnait de la bénédiction à tour de reins à qui voulait, et même à qui ne demandait rien. Il faut dire que l'abbé possédait le plus gros manche à bénir de toute la paroisse. Aussi fourrait-il sans retenue ni distinction. Toutes y passaient : rombières décaties, marquises maniérées, donzelles puériles, bonnes soeurs effarouchées, Lilith en personne, et même disait-on la propre fille illégitime de son évêque !

Bref, l'abbé menait une existence à la fois voluptueuse et agitée entre les enfants de coeur encore nigauds et ses ouailles dûment confessées. Une rumeur courut cependant sur son compte : l'abbé possédait certes la plus grosse crosse de la paroisse, mais celle-ci ne répandait aucune humeur digne de ce nom. Aussi fut-il bientôt surnommé "L'abbé Queue-de-Boeuf" à cause de la similitude de sa trompette vaillante avec celle de l'animal infécond.

Certes elle se dressait bien comme un coq, ne rechignant jamais à la besogne, s'épaississait sans faillir comme celle d'un âne il est vrai, mais il fallait bien se rendre à l'évidence : jamais elle ne sonnait. De réputation de couillu, l'abbé passa à celle d'authentique eunuque. Cela ne l'empêchait pas de persister dans ses oeuvres charnelles, bien au contraire. Loin d'être desservi par une telle renommée, il pouvait en effet fourrer de plus belle de part et d'autre sans crainte de se déshonorer dans une paternité qui eût été non seulement inconvenable, mais encore absolument incompatible avec sa fonction.

A ses funérailles l'abbé "Queue-de-Boeuf" fut âprement regretté de toutes les catins de la paroisse mais aussi et surtout des plus pieuses de ses brebis qu'il avait régulièrement fourrées sans engrosser : toutes avaient pu goûter aux bienfaits du bâton défendu sans devoir en payer le prix amer.

L'abbé "Queue-de-Boeuf" en bon prêtre qu'il fut laissa derrière lui certes quelques larmes d'éplorées consciencieusement fourrées, mais dans leur matrice aucun fruit compromettant.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

14 - Bonne soeur et déesse

Avec son front voilé, son sourire confidentiel et son air de Madone, rien ne laissait présager que la pieuse dissimulait des appas olympiens sous son habit austère. De cette apparence de chasteté, de ces traits de décence et d'honnêteté émanait une impression de paix, de recueillement. Elle priait toujours avec ardeur, fièvre, sincère et profonde dévotion.

Un jour je l'aperçus au bord de l'onde, non loin du couvent. Il faisait une chaleur du diable. Que faisait-elle hors du mystique enclos ? Justement, le Diable peut-être... Il faisait vraiment très chaud ce jour-là. Je la vis se dévêtir et entrer dans les flots. Dans un réflexe d'élémentaire pudeur je détournai le regard, mais guère longtemps : c'eût été sacrilège de la part d'un esthète de ma qualité de se soustraire à cette vision divine. En effet, au lieu de la religieuse je ne voyais à présent plus qu'une sirène. Belle comme une vierge sainte, désirable comme une Lilith. La courbe précieuse et le flanc généreux, le galbe ravissant et le rein délicat, la cuisse chevaline et la hanche avantageuse, la créature -car c'en était une- se déployait tout en grâces sous mes yeux, s'ébattant chastement dans l'eau.

Puis, prise d'une subite fièvre mystique dont sont accoutumées les âmes de son espèce, la soeur qui se croyait seule avec Dieu se mit à genoux sur la rive pour psalmodier d'ardentes prières. Sa nudité était rayonnante sur la verdure. Telle une nymphe sortie de l'étang, son corps ruisselait de mille cristaux éphémères. Par endroits sur sa peau je voyais ces perles d'eau miroiter au soleil. Alors son corps agenouillé dans l'herbe ressemblait à un gisant taillé dans le marbre rose, semé d'étoiles : il étincelait de mille grains de feu. Il y avait à la fois du sacré et du profane chez cette statue de chair. Je me dis que les choses étaient décidément mal faites sur cette Terre puisque de toute évidence la bonne soeur était glorieusement incarnée... Ce qui était d'ailleurs pour donner un écho tout particulier à son renoncement au monde.

Ses mains jointes devant son buste dans le geste traditionnel de la prière ne cachaient rien des courbes affolantes que je n'aurais pas dû voir, et ses épaules nues bientôt sèches luisaient au soleil comme celles d'une vestale romaine. La gorge blanche et somptueuse se soulevait au gré des soupirs émanant de l'âme dévote. Ce spectacle provoquait en moi l'enchantement de l'oeil, l'ivresse des sens, l'émerveillement du coeur et en même temps le respect le plus biblique, la chasteté la plus monacale, la gravité la plus christique.

Cependant je fus authentiquement et définitivement épris de la charnelle apparition, comme peut l'être un esthète qui n'a point fait voeu d'abstinence.

Plus tard je revis la dévotieuse baigneuse à travers la grille de la porte du couvent. Elle était redevenue la bonne soeur sous voile, ordinaire, impersonnelle, inoffensive.

- Ma soeur j'ai à vous parler. C'est de la plus haute importance !

- Mon frère, je vous écoute...

- Ma soeur, je vous ai vue l'autre jour lorsque vous vous êtes baignée, vêtue de votre seule beauté. Mon émoi est encore si vif, si brûlant, si durable, que tout confus je viens ici, comme le fou que je suis, chercher l'improbable faveur de votre hymen.

- Mon frère, me répondit-elle en rosissant, vous n'ignorez pas que je suis mariée à Jésus-Christ notre Seigneur. Et le seul hymen que j'ouvre à cet époux exigeant et parfait est celui de mon âme. Et uniquement de mon âme. Je suis à Lui depuis que j'ai pris le voile et pour toujours. Le reste de ma personne demeurera à jamais clos. Dorénavant je ne commettrai plus l'erreur de sortir hors de ces murs. Oubliez-moi et adieu !

La lucarne grillagée se referma sur deux yeux clairs et inspirés. L'écho de ses derniers mots résonnait encore dans le hall d'accueil dépouillé du couvent, mêlé à celui du claquement sonore du volet de la lucarne. Je ne revis plus jamais la sculpturale épousée du Christ.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

13 - Les saintes gens

Une espèce pie m'insupporte plus que toutes les autres : celles des vieilles âmes engoncées dans leurs moeurs sinistres. Saintes gens qui ont la Beauté en horreur, la poussière pour compagnie, qui chérissent la souffrance, la tristesse, la bêtise dogmatique ainsi que leur nombril de pieux asexués...

Ces modèles de vertu vivent dans une chasteté funèbre et morbide qui sied parfaitement à leur existence de renoncement hypocrite. Les apparences sont leur salut. Ces petits saints du quotidien vivent dans la pénombre par souci d'économie, dans la méchanceté gratuite par habitude, dans l'austérité par vanité. Leur visage émacié est celui d'un cadavre, leur lit ressemble à un caveau, leur joie consiste à contempler leurs chères, saintes, consacrées douleurs.

Ces bonnes âmes parlent de Dieu en serrant des dents, des enfants avec une badine dans la tête, de l'amour avec une flamme mauvaise dans l'oeil. L'amour, leur plus grand ennemi... Obsédés de sexe, pervers et dénaturés, ces adversaires du plaisir ne supportent pas la vérité. La moindre flèche les blesse, pour peu qu'elle soit juste, droite, nette.

Ces tristes sires en question portent soutane, baisent cérémonieusement croix de fer, bagues d'or d'évêques et pieds papaux, font des sermons moralisateurs le dimanche. Ils prônent la sobriété l'haleine chargée de vin de messe, vont voir les prostituées en discutant âprement leurs prix, confessent les petites filles dans leur chambre, distribuent aux pauvres bonnes paroles, aux nantis argent des quêtes.

Méchants petits abbés de province qui enseignez le mal de vivre, la misère et le néant, vous avez engendré assez de collectionneurs de Vierges en plastique, d'abstinents et de névrosés de la croix. Que les vivants et les morts vous prennent en pitié.

Moi je vous ai pardonné : vous avez ôté vos masques à travers ma plume.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

12 - Duel d'abbés

Avertissement aux lecteurs :

Le texte suivant ne saurait être le reflet d'une stricte vérité. Il n'est que le fruit de l'imagination de son auteur qui dans ce cas précis s'est inspiré non de faits factuels mais plus romanesquement des caractères des personnalités religieuses croisées à Saint-Riquier.

L'abbé Troquebière était une petite nature. Mal assuré avec ses ouailles, infoutu d'honorer vieilles marquises et jeunes paysannes, frileux en hiver, fragile en été, timide à la messe, il passait pour un poltron, un buveur d'eau, un trousse-rien-du-tout. Au village, il faisait vraiment piètre figure, la moitié des hommes étant chasseurs, l'autre moitié braconniers.

On le disait impuissant, mal nourri, taciturne. Personnage sans éclat que tous raillaient. Un gibier d'église tellement insignifiant que les communiantes parmi les plus naïves le méprisaient. Il ne riait jamais, l'abbé. Toujours à marmonner ses prières incompréhensibles, la poche de sa soutane déformée par son sempiternel missel. Ma vêtu, et d'ailleurs guère soucieux des apparences, il sentait la naphtaline. Une odeur de vieux croûton avant l'âge, une ambiance de moisi sur son passage.

Bref, un air de vieux con d'abbé que même les chiens fuyaient.

Et puis un jour la chrysalide s'éveilla, des ailes apparurent. Le bourgeon enfin fut bien mûr, nul ne sait par quel miracle. Une fleur surgit sous la soutane. Le père Troquebière était devenu un abbé, un vrai.

Du jour au lendemain il enfila drument châtelaines, gueuses, oiseaux de passage, hôtes de couvents... Et même dit-on, de jeunes bougres. Il buvait au tonneau, à la bouteille, à la coupe, jusque dans les bottes fines des dames de haute vertu. Se calant la panse avec des cuissots de chevreuils, des chapelets d'andouillettes, des paires de chapons, des couilles de taureau et des rognons de mouton, il banquetait comme un vrai seigneur. Du grand spectacle ! Il était loin le moineau sans appétit de jadis !

En peu de temps il devint gras, gros, saoul, séduisant. Remplaçant progressivement ses prières par des chansons paillardes, il s'imposa parmi les ivrognes et les noctambules du village comme la plus joyeuse des compagnies. Les femmes le convoitaient, les hommes le jalousaient, les chiens le suivaient. Il ne sentait plus la naphtaline mais le jambon fumé. Ha ! Quelle belle humeur se dégageait de l'abbé Troquebière à présent qu'il troussait, buvait, mangeait, chantait ! Il mourut net de ses excès.

On l'enterra avec regret, l'abbé ayant régné fort peu de temps dans la taverne du village. Sur sa tombe l'on grava : "Ci-gît un abbé mort à 95 kilogrammes".

Son successeur -un abbé fort austère- après avoir reprit les affaires de la paroisse en main s'éternisa dans sa fonction en se desséchant corps et âme. Année après année. A la fin de sa vie il avait maigri d'un tiers de son poids originel.

A sa mort, l'on suggéra de faire brûler sa dépouille au crématorium : le village était devenu un repaire d'impuissants végétariens minéralisés apolitiques et mêmes apostoliques.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

11 - Prêtre homosexuel

Mon inclination contre-nature pour la gent virile se confirma dès mon entrée au séminaire. Le regard clair mais le coeur troublé, la hantise du faux pas agissait comme un garde-fou. La crainte de la chute m'obligeait à la plus parfaite intégrité au contact de mes frères séminaristes. Ascèse, chasteté, volonté étaient ma seconde religion. Cependant avec les années le feu impie me rongeait de plus en plus... Ma vocation pour l'exercice de la prêtrise ne perdit pas de son ardeur pour autant. Mon âme était au ciel, ma chair en enfer, voilà tout.

Seul dans ma cellule ou en compagnie des autres étudiants, je luttais avec âpreté contre le "mâle". J'appris peu à peu à éviter les pièges de la tentation, bien que je n'ignorasse point la brièveté des trêves consenties par les sens. Je ne me contentais pas de m'éloigner certains jours de la cause de mes émois impurs, je me donnais également la discipline afin, espérais-je, de tuer le désir. Hélas ! la chair mortifiée se rebellait assez vite et je me retrouvais bientôt face à mes démons qui me défiaient de plus belle, la corne acérée, l'oeil plus lascif encore... Le mal ne faisait qu'empirer, aussi dus-je changer de méthode.

La volonté seule ne suffisant plus à borner mes excès, j'optai pour la solution la moins modeste. A l'étude approfondie des livres anciens de théologie censés me distraire de mes fantaisies honteuses, j'ajoutai la chimie lourde. Latin et sel de bromure devaient me délivrer, pensais-je, des tourments grandissants de ma chair incapable de se soumettre à la loi divine. Peine perdue !

La nature prenant définitivement le dessus, je décidai d'apaiser l'ogre libidineux qui réclamait son dû : je pris un amant. Dans la foulée je m'improvisai porte-parole de mes frères d'infortune, partagés entre le désir de servir le Ciel et l'oppression de leur chair dénaturée, incompatible avec la dignité de leur futur ministère. En interrogeant les élèves et mes supérieurs je découvris que le séminaire était un repaire d'homosexuels à divers degrés refoulés mais parfaitement conscients de leur état...

Je terminai mes études dans la plénitude spirituelle et fus ordonné prêtre dans le quartier du Marais.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

10 - Le braquemart de l'abbé Benoît

Avertissement aux lecteurs :

Le texte suivant ne saurait être le reflet d'une stricte vérité. Il n'est que le fruit de l'imagination de son auteur qui dans ce cas précis s'est inspiré non de faits factuels mais plus romanesquement des caractères des personnalités religieuses croisées à Saint-Riquier.

L'abbé Benoît était d'une rigueur religieuse exemplaire. Sa piété de fer ne faisait pas pitié à voir, bien au contraire. C'était un roc de préjugés éculés, un chêne de certitudes absurdes, une montagne d'orthodoxes hérésies. En sa compagnie on ne craignait pas plus le Diable que les égarements de la raison et de l'esprit critique... Avec sa soutane qu'il portait comme un seigneur, il impressionnait les vieilles dévotes. Avec ses airs entendus de Casanova d'Église, il faisait tressaillir les vierges tendrons. Avec ses ambiguïtés de prêtre douteux, il troublait les jeunes hommes efféminés.

Mais surtout il rendait jaloux tous les époux qu'il avait mariés.

Nul dans la modeste paroisse n'ignorait que l'abbé Benoît était monté comme un bourriquot, ses multiples maîtresses étant les pires jacassières qui soient. L'abbé Benoît fourrait donc avec rage et frénésie les membres de son harem autant qu'il le pouvait, c'est-à-dire généralement une fois le matin et au moins deux fois le soir, mais sans jamais quitter sa soutane : respect dû aux emblèmes de sa fonction oblige... C'est qu'il était vraiment pieux l'abbé. Il avait ses petits scrupules.

Le soir au café du village l'abbé Benoît venait parfois se mesurer aux buveurs. Il y avait des concours de longueur phallique. Les prétendants aux lauriers, tous ivres, s'alignaient au bord du zinc en exhibant sans pudeur leur chibre. Le spectacle était infâme, et on se demandait comment un homme de son rang et de sa dignité pût s'abaisser à de semblables libations, à des moeurs aussi viles... Mais bref, l'abbé Benoît décrochait à chaque fois la palme de la plus grosse trique du bar, au grand dam de ses rivaux. D'ailleurs l'abbé les traitait tous d'ânons, lui qui était monté comme un bourriquot. Ca se terminait habituellement dans l'hilarité générale, et c'était alors le début de beuveries et d'orgies à n'en plus finir.

Le lendemain l'abbé Benoît servait la messe avec ses airs compassés, comme si de rien n'était. Juste les traits un peu tirés.

Ses compagnons de perdition qui étaient aussi ses ouailles assistaient à l'office, quelque peu dépités. Tous se sentaient offensés que le prêtre qui leur disait la messe puisse posséder le plus gros braquemart de la paroisse et s'en servir plusieurs fois par jour par-dessus le marché. Ils se disaient que décidément le monde était bien mal fait puisque le Ciel octroyait aux prêtres les plus chers trésors de la terre...

On respectait cependant les règles établies dans le village, et on se taisait poliment devant l'autorité en action : le prêtre officiait. Enfin la messe était dite. Alors l'abbé allait promptement foutre une de ses gueuses tandis que ses ouailles se dispersaient. Tout le monde dans le village savait que l'abbé Benoît avait été conçu comme un diable de satyre. Sa longue pine d'ailleurs laissait songeuse plus d'une rosière, faisait se pâmer plus d'une pécheresse repentie, amenait bien des conflits dans les chaumières...

Mais sous le clocher, on se taisait.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

9 - Le chapeau de l'abbé

L'abbé portait un grand chapeau, ce qui ne l'empêchait pas d'être un sacré paillard. Cela dit, il n'était guère buveur. Ni prêteur. Aussi tenait-il toujours solidement amarré à son front le précieux couvre-chef. Un jour il croisa dans la rue une créature toute de dentelles vêtue et de chair exposée, laquelle créature faisait également partie de ses ouailles. Afin de faire honneur à la femelle flatteusement parée, l'abbé crut bon d'ôter son chapeau. Il salua la passante d'un geste galant, élevant le plus haut possible son chapeau. Le vent l'emporta. L'homme d'Église exigea de la belle qu'elle rattrapât prestement l'objet fuyant.

La mondaine s'exécuta, cependant Éole fut le plus prompt, et après avoir fait faire quelques tours à sa poursuivante, finit par ravir définitivement son bien à son propriétaire. L'ecclésiastique fit porter la faute à la pécheresse la perte irréparable de son chapeau. En dédommagement il réclama de la coupable l'exclusivité de son hymen durant un mois, sous peine de répandre maintes calomnies sur ses moeurs. La malheureuse dut céder au chantage.

Comme l'abbé ne buvait pas, il exigea en outre de la fautive qu'elle lui cédât ses cigares, car la frêle victime en effet fumait d'énormes havanes ! Une insolence de plus que devait châtier scrupuleusement le prêtre-justicier. Ainsi l'abbé ne portait certes plus de chapeau sur la tête mais sortait avec un cigare aux lèvres, une dame du monde au bras. Le manège dura un mois, comme prévu. Une fois que la scélérate se fut affranchie de sa dette, l'abbé se fit offrir par elle un nouveau chapeau.

Il pouvait sortir seul à nouveau dans la rue avec sa chère acquisition, fier comme un coq de clocher. Chapeau qu'il n'avait pas volé après un mois d'abstinence chapelière, foi d'abbé !

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

8 - La belle et l'abbé

Le prêtre s'avance vers la croix. Immense, sombre, aiguë, elle se dresse comme un pilori au fond de l'église. A sa droite, dans la pénombre, la chair : une femme, une pécheresse, une ennemie.

La tentation. Tout en dentelles et parures fines.

C'est l'été, en milieu de journée, dehors la chaleur est suffocante. Qui songerait à se réfugier dans cette oasis de pierre ? Seuls des êtres d'exceptions peuvent se croiser en ces lieux, à cette heure, en cette époque de l'année. A part le prêtre et cette femme, nul hôte dans l'église désertée.

Le Christ en croix devant lui est décharné, agonisant, ascétique, marmoréen. La femme à proximité est voluptueuse, éclatante, ses lèvres sont animales, ses yeux embrasés.

L'abbé est un bel homme contemplatif de cinquante ans, une sorte de personnage monastique d'un autre siècle, un théologien austère et séduisant, un esprit cultivé plein de raffinement. Cette femme dans l'obscurité, une aristocrate flamboyante, pourrait devenir son amante, il le sait. L'homme d'Église s'est exquisément attardé sur les appas de la tentatrice, dévorant du regard sa poitrine opulente à demi découverte. Il a même béni la démone du bout des lèvres, comme s'il avait récité une prière.

La créature s'approche du prêtre qui détourne aussitôt le regard et semble supplier le Christ en croix d'éloigner ce serpent au venin délicieux... Trop tard. Les deux êtres se sont reconnus, se sont compris au premier regard. Épris l'un de l'autre dans l'instant, priant et bourgeoise se désirent mutuellement, elle la lascive, lui le chaste. Leurs lèvres se rencontrent, la fièvre les unit. Dieu ! Que le péché est délectable quand depuis toujours on s'en est privé ! D'ailleurs n'est-il pas légitimé par les circonstances ?

Face à l'autel, sous le regard du Crucifié, les deux amants se donnent l'un à l'autre. Mais très vite le prêtre se reprend, repoussant violemment la licencieuse :

- Non, il ne faut pas, je ne peux succomber à de si faciles appels. Arrière, tentatrice ! Ne m'éloigne pas des beautés célestes avec tes promesses charnelles, bohémienne guindée que tu es !

Mais dans son for intérieur, se répondant à lui même :

- "Regarde cette femme, elle est belle, elle te plaît et tu la désires. Elle te désire aussi, tout prêtre que tu es, pauvre homme qui voudrait se prendre pour une statue ! Vois cette gorge vers toi déployée, cette bouche qui ose les mots interdits, ce flanc nu qui s'offre... Cette femme est un verger de l'éden, prends les fruits de la terre, savoure-les comme un homme que tu es au lieu de les rejeter comme un saint que tu n'es pas... L'instant est propice, ce jour de ton existence est beau, ne le laisse pas passer. Prends cette amante, elle sera ton salut : elle fera de toi un homme, un homme comme les autres, un mortel de chair issu de la terre et non un livre ambulant plein de dogmes et de théories."

Tiraillé entre ses aspirations opposées, il embrasse de nouveau l'amoureuse, puis la repousse dans l'instant qui suit, la reprend dans ses bras, la repousse...

Finalement, complètement désemparé, il maudit la femme et se précipite au pied de la grande croix, en larmes, repentant. Et, dans un geste théâtral, à genoux se frappe la poitrine en prononçant des paroles en latin.

Il entend les pas de la belle qui sort de l'église. Il ne se retournera pas et restera jusqu'au crépuscule à prier, à genoux.

Le Diable en petits souliers s'en est retourné dans la fournaise de l'été.

VOIR LA VIDEO :

http://www.dailymotion.com/video/x2bbbyr_la-belle-et-l-abbe-raphael-zacharie-de-izarra_school

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

7 - L'abbé Borel

Avertissement aux lecteurs :

Le texte suivant ne saurait être le reflet d'une stricte vérité. Il n'est que le fruit de l'imagination de son auteur qui dans ce cas précis s'est inspiré non de faits factuels mais plus romanesquement des caractères des personnalités religieuses croisées à Saint-Riquier.

L'abbé Borel, que des indélicats surnommaient l'abbé "Bordel", était une nature. La face rubiconde, la pogne puissante, le ventre ogresque, il avait aussi ses petites faiblesses. Il fourrait dru sa pipe, mangeait gras, cultivait haricots, patates, et même salades qu'il vantait tant à la messe. Mais surtout, il détestait les femmes.

Il ne souffrait pas le moindre décolleté, la plus petite partie de corps dénudé, la plus sobre courbe femelle. Son aversion pour la chair féminine lui fit une réputation de bougre qu'il n'était cependant point. Il était allergique aux charmes du beau sexe, voilà tout. Ce qui ne l'empêchait pas d'aller à la pêche le dimanche après la messe. Là, on le surprenait parfois à parler aux poissons, aux oiseaux, et même à sa canne à pêche.

L'abbé avait un grain.

Tous l'aimaient dans la paroisse, même les femmes. Certes, on faisait semblant de ne pas voir qu'il vidait une partie des quêtes dans ses larges poches. Mais on lui pardonnait ces peccadilles, tant on appréciait ses qualités particulières pour administrer la dernière onction aux plus récalcitrants des moribonds.

Il n'avait pas son pareil pour leur faire cracher des secrets jalousement scellés dans leur caboche rouillée. Il savait comme nul autre leur rendre la mémoire. Des trésors notariés remontaient à la surface, des héritiers réapparaissaient : les derniers instants du mourrant se passaient dans une relative joie familiale. Grâce à l'abbé les funérailles étaient souvent l'occasion de réjouissances dans cette contrée d'avares, de bigots, de superstitieux.

Aux enterrements de l'abbé Borel on parlait bas mais on avait les coeurs hauts. Les femmes quant à elles processionnaient vêtements hermétiquement clos pour mieux rendre hommage à l'abbé que chaque inhumation précédée d'onction fructueuse auréolait d'une gloire inextinguible.

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.

6 - Petit poisson deviendra grand

Petit-Paul, enfant fragile, sensible et doux a été placé dès l'âge de six ans en pension dans une institution sévère. Élevé chez les bons prêtres. Ces derniers, austères, intransigeants, impitoyables, ont toujours exercé sur l'enfant une sainte terreur. Écrasé par le sort, broyé par les dogmes despotiques d'une religion d'un autre temps, à douze ans Petit -Paul est une créature chétive, timide, parfaitement timorée.

Figures maternelles réconfortantes, les rares bonnes soeurs oeuvrant au sein de cet univers rigide devaient adoucir l'existence de petit garçon. Du moins le pensa-t-il naïvement en entrant six ans auparavant, car à la vérité elle se montrèrent particulièrement cinglantes.

Bref, Petit Paul après six années d'éducation religieuse intensive dans cette digne institution a fini par prendre la couleur des murs qui l'entourent : gris. Ou plutôt terne. Sinistre serait le mot juste.

Pour autant, l'enfer n'est pas terminé pour notre jeune héros : il lui reste encore six années à expier dans cette prison pour âmes tendres.

Mais faisons plutôt un bond en avant de six années. Petit-Paul a atteint ses dix-huit ans, on le libère. Sa fragilité est devenue dureté, sa sensibilité imperméabilité, sa douceur fermeté. Petit Paul a bien changé... Il a pris de la carrure : épaules larges, mâchoire carrée, coeur d'acier.

Parfaitement conditionné par ses précepteurs, Petit-Paul fuit comme la peste les filles de son âge. Elles lui apparaissent comme des démones, aussi les hait-il de toute la force de son coeur brisé. La religion est devenue le seul repère de son existence de pierre. La solitude, l'unique refuge de son âme de glace. La tristesse, sa plus chère compagnie. Si bien qu'avant ses vingt-cinq ans, Petit-Paul entre dans les ordres et devient prêtre-enseignant dans l'institution qui l'a si bien dressé, et se montre aujourd'hui le pire tortionnaire d'enfants que cette dernière ait pu abriter entre ses murs.

Les petites victimes l'appellent maintenant "Grand-Paul".

Raphaël Zacharie de IZARRA

Et je rends cependant un juste hommage à ces précepteurs qui m'édifièrent dans la rectitude chrétienne, la noblesse d'âme et la hauteur d'esprit. Ce qui ne m'interdit pas, par ailleurs, de les mettre en scène dans mes souvenirs (vagues ou précis) à travers mon plus féroce humour... Non dénué de tendresse.